«On ne peut pas tout avoir.»

Cette phrase, je l’ai entendu nombre de fois en grandissant, et plus récemment de la bouche de plusieurs amis qui souhaitaient par-là exprimer leur acceptation sur ce que la vie leur a donné. Et j’ai ressenti le besoin de réfléchir à ce que cela me faisait ressentir.

Cette phrase est souvent brandie comme un talisman contre le sortilège de la société de consommation, ou le mythe d’Icare… A quoi bon vouloir tout faire tout le temps, refuser de choisir ses priorités (ou ne pas les aborder intentionnellement), et au final ne profiter de rien malgré une liste impressionnante de bien matériels et d’accomplissements…? Cerise sur le gâteau : souffrir de FOMO (Fear Of Missing Out) en ayant l’impression que «tous les autres» ont trouvé la parade pour au contraire « tout avoir » (ou au moins ce que l’on n’a pas) …

Triste perspective effectivement, et dans ce contexte, il peut sembler tout à fait raisonnable d’utiliser une telle phrase pour soi-même, ou envers ses proches, voire ses enfants…

Mais si le raisonnable de définit comme capable d’activité de logique, c’est dans un contexte de jugement. Pourquoi ne pas élargir la perspective ? Et si, pour être déraisonnable, il suffit de «dépasser la mesure normale» (comme indiqué dans certaines définitions en ligne), je peux également choisir d’aller voir «au-delà de cette normalité» … et tester ma sagesse 😊 ?

«On ne peut pas tout avoir.»

Sous sa simplicité apparente, cette phrase a comme un air de «c’est comme ça», décourageant, factuel, voire écrasant. Ou cassant, comme un couperet. On sort d’une perspective abondante, et on entre dans une zone de manque, de pénurie.

La formulation de cette phrase m’interroge. Que veut-on dire par «tout» ? On semble faire l’hypothèse que l’on connait les contours de ce qui par définition n’en a pas (l’infini, le tout), étant donné qu’on peut décréter qu’il n’est pas possible de l’avoir…

En vérité je dirais presque que cette phrase n’a pas forcément de sens d’un point de vue philosophique ou existentiel. Car n’avons-nous déjà pas tout, en nous et pour nous, en tant qu’humains ? Ne faisons-nous même pas partie de ce tout ?

Finalement, dans les contextes où cette phrase est employée en rapport avec des choix très concrets, son absolutisme n’aide pas vraiment à prendre de la hauteur, ni à être ouvert à ce que ce «tout» peut recouvrir de potentialités encore inexplorées pour nous-même (voire par l’humanité)…

Alors la prochaine fois, en ce qui me concerne, je vais reformuler cette phrase de mon enfance. Je ne dirais plus «on ne pas tout avoir» mais plutôt : «on peut choisir ce que l’on souhaite avoir, et accepter les responsabilités qui en découlent».

Et peut-être ainsi: ne pas me couper les ailes devant la perspective d’aller vers mes rêves?

Et vous, savez-vous être sagement déraisonnables?

Sincèrement vôtre,
Dr Sophie